Essais sur le théâtre moderne et contemporain
   par Gérard Piacentini



La Cantatrice Chauve d'Eugène Ionesco :
contre L'Être et le Temps de Martin Heidegger (*) Cette communication, écrite dans le cadre d'un projet de publication collective de l'Institut d'Esthétique des Arts Contemporains (CNRS-Université de Paris I - Sorbonne) consacré au théâtre des années 50 et qui devait paraître en 2000-2001, faisait partie de la section " Théâtre et Philosophie ".

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Eugène Ionesco n'aurait-il pas écrit La Cantatrice chauve contre L'Être et le Temps de Martin Heidegger ?
C'est la question à laquelle tente de répondre cette étude. La première partie consiste en un rappel de l'interprétation de La Cantatrice chauve parue en 1988 dans la Revue d'histoire du théâtre (1) 1. Gérard Piacentini, " La Cantatrice chauve est-elle La Cantatrice chauve ? ", Revue d'histoire du théâtre, n°4, 1988.

Dès sa création, on a vu unanimement dans La Cantatrice chauve une pièce sans intrigue, sans action… opinion qui n'a jamais été remise en cause, malgré des déclarations de l'auteur incompatibles avec cette interprétation.
En fait, Eugène Ionesco s'est livré à un jeu : construire une intrigue autour d'une opposition terme à terme entre un " réel quotidien " qui n'est qu'aliénation et anonymat, et un " imaginaire " où chacun a une identité. On voit ainsi venir au jour une pièce totalement inconnue et parfaitement claire.
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Dans " La Cantatrice chauve est-elle La Cantatrice chauve ? ", j'ai montré que la pièce d'Eugène Ionesco devient parfaitement compréhensible si l'on postule qu'elle est bâtie sur l'opposition radicale du " réel " et de l'" imaginaire (2) 2. Réel et imaginaire que j'écrirai par la suite sans guillemets, mais qui seront toujours pris dans cette acception. ", ces termes n'étant pas pris dans leur sens psychologique usuel, mais comme composants structurels de l'oeuvre :

  • - le réel est le lieu de l'anonymat, de la bassesse et de la médiocrité, où le langage a toujours un sens et où le temps est aliéné ;
  • - l'imaginaire est le lieu où chacun a une personnalité, où rien n'est déplaisant ou vulgaire et où le langage est dépourvu de sens.

  • Un tableau résume les oppositions qui structurent la pièce :